L'éveil de Mesgora

J'auvre soudain les yeux et émerge du sable. Partout autour de moi s'étendent les eaux do l'adriatique. Elles ne sont pas bleues, mais noires. Je me recroqueville sur moi-même, essayant de rappeler à moi les images que j'ai vu durant ma torpeur. Je n'avais jamais ressenti une telle expérience. Dans beaucoup de sens, j'étais mort, mais pourtant, une partie de moi était éveillée, et alors que je me concentre sur ces images et ces sensations, je comprend que c'est le lien qui me relie à mon Infant qui engendre ces rêves. Alors que j'étais dans les tréfonds de mon sommeil d'immortel, je ressentais les émotions de mon engeance, je pouvais utiliser ses sens et voir ce qui arrivait aux miens en mon absence.

Me propulsant puissament vers la surface, je sors la tête des eaux et pousse un hurlement de rage et d'amertume.

Argos ! Ton heure est venue.

J'aperçoit à l'horizon un pêcheur solitaire. Il tient une torche, essayant de percer les ténèbres pour savoir d'où provient ce cri surréel. Discrètement, je nage jusque sous son bateau que je secoue violemment tel un arbre fruitier, et ramasse mon butin sous les eaux. Affamé, je le vide entièrement et laisse l'adriatique prendre son corps.

Me voilà rassasié. Je nage jusqu'à la berge et déterre les quelques affaires que je pensais pourvoir me permettre d'enterrer : mon épée d'argent ainsi que celle de bronze avec une pierre pour les aiguiser, mon bouclier de bronze et quelques petits lingots d'argent.

Me voilà à nouveau libre, sans cité à gérer, sans armée à diriger. Je n'ai qu'un seul but : retrouver mon ami Samos et tuer le traitre Argos. Et pour cela, une seule destination s'impose : la cité de Alis. Il se met donc en route, voyageant à grande vitesse telle une bête en chasse, déterminé à ne pas s'arrêter jusqu'à être soit stoppé par l'aube, soit en vue des murs de la cité.

[Conteur, je te laisse faire un jet sur la table des rencontres Je sais pas non plus combien de temps ça prendra]

Les terres de cette région orientale sont comme brûlées par le soleil, et même la nuit semble conserver une chaleur qui rappelle à chaque instant au Sauvage que, bientôt, l'astre solaire reprendra tout ses droits.

La lande est rougeâtre, sans vie si ce n'est quelques buissons rachitiques perdus au milieu de la rocaille.

Un peu à l'écart de la côte, partant d'un petit village endormi où brûle le bûcher d'alerte aux navire, une piste tracée dans la poussière s'avance vers l'intérieur des terres.

S'orientant aux étoiles, le vampire peut determiner que cette route prend la direction du comptoir grec qu'il recherche. Il laisse donc le village derrière lui pour progresser rapidement vers l'Est.

Les voyages nocturnes en rase campgne n'ont plus de secret pour Mesgora, qui se tapit chaque matin sous la terre pour éviter le soleil, qui se nourrit indifféremment sur les hommes ou les femmes qu'il croise sur son chemin, laissant derrière lui une piste discrète mais sanglante.

Plusieurs nuits ont passées quand enfin il arrive près d'une petite cité. Alis, colonisée près de deux siècles plus tôt par un prince grec... Mesgora.
C'est bientôt l'aube, le Sauvage n'a que le temps de constater que la ville a grandi sous l'influence de Seigneur Argos, son prince secret. Un petit campement de commerçants étrangers est installé non loin des portes de la villes, quelques chariots remplis de victuailles attendent pour entrer dans l'enceinte de la cité, sans doute pour le marché du matin. Les sens aiguisés du vampire peuvent percevoir d'ici l'odeur des bêtes de ferme, le caquètement des volailles, les âpres discussions en hittite des commerçants avec les gardes...

Mesgora s'approche d'une caravane marchande et achête une grande cape avec une capuche ainsi qu'une longueur d'étoffe pour se faire un turban. Peut-être passera-t-il un peu plus inaperçu ainsi. Alors qu'il effectue sa transaction, il interroge le commerçant en Hittite :

Quelles nouvelles de la cité ? Cela fait un moment que je ne suis pas venu. Est-elle toujours sous contrôle Greque ?

Il se doute qu'il ne va pas recevoir d'informations sur les créatures de l'ombre de la cité, ni sur son ami Samos, mais avec un peu de chance, au milieu des soucis terre à terre de ce mortel, il trouvera des pistes qui le rapprocheront de sa cible.

Après s'être écarté du marché, il met la cape et se fait son turban qu'il utilise pour se voiler le reste du visage également, ne laissant que ses yeux visibles. Une fois ainsi grimé, il se rend dans la ville, cherchant des traces qui le mèneront vers un des immortels de la ville.

Les marchands répondent au vampire d'un air visiblement craintifs. Certains lancent des regards effrayés sur la conversation tout en prenant soin de rester à l'écart.

Les vêtements sont négociés à un très bon prix, les mortels semblant avoir perdu le goût du marchandage.

Le commerçant qui récupère les broches offertes en échange bredouille avec un fort accent moyen-oriental que la soldatesque grecque est tombée malade il y a une douzaine d'années. La plupart sont morts, et les familles nobles hittites ont repris le contrôle de la cité.

Une fois à l'intérieur de la ville, Mesgora constate rapidement qu'ici, on ne badine pas avec l'ordre et la loi. Les potences sont nombreuses, et la place centrale arbore le cadavre à moitié dévoé par les corbeaux de cinq condamés. Il y a également une large souche couverte de sang, qui sert très certainement à couper la main des coupables... ou la tête, selon la gravité du crime.

L'aube commence à pointer, l'ancien se sent pris de ce léger trouble précédant le lever du jour, comme les prémices d'une panique qui ira, il le sait, grandissante jusqu'à la frénésie... et la Mort Ultime, s'il ne se met pas à l'abri des rayons du soleil.

Mesgora ressort de la ville et va s'enterrer dans un bosquet, utilisant sa discipline. Il prend bien garde avant de ne pas être suivi.

A la nuit, il s'éveille et traîne quelques temps aux abords de la cité pour se nourrir d'un promeneur ou d'un paysan isolé. Une fois rassasié, il retourne exploré Alis. Fouillant sa mémoire, il essaie de se souvenir des années qu'il a passé à Alis. Peut-être y avait-il à l'époque un autre Gangrel en ville ? Si c'est le cas, il essayera de retrouver son frère de Clan pour obtenir plus d'informations sur Argos et Samos, et si le Sauvage est du côté de son ennemi, il devra lui faire avouer la vérité au fil de l'épée.

Si il n'y a pas de tel Vampire, il essayera de retrouver un autre Vampire pour lui faire cracher les informations dont il a besoin. Il n'a pas peur d'utiliser la violence si besoin est.

La recherche d'un autre vampire demande plusieurs heures de recherche dans les rues de la ville. Étrangement, les mortels locaux semblent excessivement prudents et les approcher en tant que prédateur est plus difficile qu'ailleurs. Les maisons sont closes, les rues quasi désertes, les rares passants qui se hâtent vers leur logis sont en groupes et armés...

Sur les hauteurs de la petite ville se trouve des mines de cuivre. C'est là que Mesgora peut ressentir le frisson lié à la présence de l'un des siens dans les parages. Il repère une créature de la nuit qui se nourrit sur un enfant de mineur au corps crasseux, caché derrière une pile de barres d'étaiement, près de l'entrée principale des galeries souterraines, à portée de voix d'un groupe de noctambules Hittites en cercle autour d'un feu, jouant aux osselets à même le sol.

Mesgora se dresse à porté de vue du Vampire et l’invite à s’approcher d’un signe de la main. Il le fixe droit dans les yeux, sa colère brûlant dans ses yeux. Il est aisé pour l’autre vampire de comprendre que s’il refuse d’obéir aux commandes impérieuses du Prince Vampire, il s’expose à des représailles physiques immédiates. Il est également fort possible que cet Immortel se souvienne du géant venu du Nord. Si c’est le cas, il saura quel danger sa désobeisance lui ferait courir.

L'autre vampire, impressionné par l'a puissance qui émane du Sauvage, relève la tête en montrant des crocs sanglants. Il semble ennuyé d'avoir été dérangé, tout en ressentant instinctivement la supériorité du nouvel arrivant.

Contenant sa Bête intérieure qui se débat, il repousse le corps de l'enfant encore agité de soubresauts comme s'il craignait que Mesgora ne lui en veuille pour son crime.

Il se redresse, et sans essuyer le sang qui lui dégouline sur la gorge et le torse, affronte du regard son congénère.

« Que me veux-tu, étranger ? », demande-t-il en grec.

Mesgora reste où il est et continue à inviter l'autre immortel à s'approcher.

Te parler pour l'instant. Approche toi que nous puissions discuter, et amène ta proie, ou tu vas rameuter tous les mortels des environs. Je n'en ai pas après ta chasse, mais j'ai besoin d'informations. Approche, et je ne te ferai pas de mal.

Ses paroles prouvent la menace latente qui émane de lui et que son interlocuteur a bien senti.

Sur la défensive, l'autre s'approche. Ses traits sont ceux d'un homme d'âge mûr, brun, la barbe bouclée, portant une robe d'étoffe brune tachée de plusieurs sangs. Il ne sent pas vraiment bon de près, une odeur de pourriture émane de lui. Il donne l'impression de quelqu'un d'effrayé qui conserve malgré tout bonne figure.

« Je suis sur mon territoire, l'ami. Dans mon droit. Que me proposes-tu en échange des informations que tu quémandes ? »

Sur ton territoire ? demande-Mesgora avec un léger sourire et en fronçant les sourcils.

En un instant, il se rue sur l'autre Vampire, toutes griffes dehors pour le plaquer violemment au sol, lui parlant le seul langage que les Gangrel comprennent.

Jeune impudent ! Je suis Mesgora, prince des cités de Rilec et de Alis, tu te trouves sur mon territoire. Tu devrais m'implorer de te permettre de parler, et de te laisser chasser dans mes troupeaux, chien !

Il reste calme et parle d'une voix mesurée pour ne pas que le groupe de mortels ne les entendent.

Une fois le Vampire maîtrisé, Mesgora commence l'interrogatoire :

Avant tout, je veux savoir une chose, as-tu entendu parler d'un certain Samos, qui était grand général des armées il y a à peine un siècle ?

Un peu secoué et très impressionné, le vampire fixa un moment son agresseur sans parler. Le Sauvage le secoua un peu pour le ramener de ses songeries.

« Hein ? Vous... prince ? Mais c'est Salthar, le prince de cette ville ! Je... et un Samos ? Vous voulez dire... Samos le Lupin ? Il a été général ? Incroyable ! »

Mesgora conserve son emprise sur le Vampire.

Tu as donc entendu parler de Samos. Que sais-tu de lui ? Où est-il ? Est-il encore dans les parrages ?

Visiblement, Samos est sa première préoccupation pour l'instant, car il sait qu'il n'ira pas à l'assaut de la cour vampirique de Alis seul. Son vieil ami lui serait d'une grande aide, et il aura moins de scrupule à aller regagner sa place par la force s'il sait que Samos n'est pas retenu prisonnier.

Salthar, dis-tu ? De quel clan est-il ? Est-ce un Ventrue ?

Et Mesgora décrit Argos pour vérifier s'il ne s'agit pas d'une seule et même personne.

Le prisonnier a l'air quelque peu surpris par les questions qu'on lui pose.

« Hein ? Mais, heu, Salthar ne ressemble pas du tout à ça... il est Hittite, pas Grec... et ce n'est pas un Seigneur, c'est un... un Assassin, comme on les surnomme en murmurant. »

Le vampire semble effectivement craindre le nom même du prince vampire local, il baisse la voix en parlant de lui.

« J'ignore ce qu'il s'est passé après votre départ d'Alys, messire, mais je puis vous assurer que je n'ai jamais vu le frère dont vous me parlez... »

[HJ] Je pense avoir répondu à chacune de tes questions...

Samos. Que sais-tu de lui ? Où est-il ? Est-il encore dans les parrages ?
Réponse : « J'ignore ce qu'il s'est passé après votre départ d'Alys, messire, mais je puis vous assurer que je n'ai jamais vu le frère dont vous me parlez... »

Salthar, dis-tu ? De quel clan est-il ? Est-ce un Ventrue ? (*description*)
Réponse : « Hein ? Mais, heu, Salthar ne ressemble pas du tout à ça... il est Hittite, pas Grec... et ce n'est pas un Seigneur, c'est un... un Assassin, comme on les surnomme en murmurant. »

Seigneur = Ventru
Assassin = ? [/HJ]

Mesgora commence à perdre patience. Il approche son visage de celui de son prisonnier, la maintenant fermement d'une main griffue.

Si tu connais Samos, tu dois savoir ce qui lui est arrivé. Parle !

Le Sauvage est étonné mais plutôt satisfait de voir que le règne d'Argos n'a pas été bien long. Il ne peut cependant qu'espérer que ce Salthar n'a pas déjà tué le traître que Mesgora s'est juré de détruire. L'amertume serait tellement forte qu'il devrait essaierai sûrement de faire payer cet usurpateur également, ce à quoi il viendra sûrement de toutes façons s'il veut récupérer sa cité.

Tu n'as donc pas entendu parler du Prince Argos ?

Le vampire semble un peu plus pâle encore.

« Le Lupin hante les bois de Hilthanos, on raconte d'horribles choses à son sujet... Ce n'est pas prudent... Oui, oui, d'accord ! Il mène ses hordes métamorphes dans des assauts contre la cité, c'est... c'est le pire ennemi immaginable, messire ! Quant à Argos... J'ignore de qui il s'agit... mais puisque vous semblez penser qu'il s'agit de l'ancien prince, il est fort possible que ce soit le cas. Salthar a interdit qu'on prononce son nom... et je n'étais pas encore de la Famille à l'époque... Lâchez-moi maintenant. »

Mesgora a toutes les informations dont il a besoin. Il ne doit pas prendre le risque que ce faible révèle quoi que ce soit à son sujet ; le nouveau Prince a l'air de ne pas être un plaisantin. Mesgora mord le Gangrel et le vide entièrement. C'est la deuxième fois qu'il mène un Vampire jusqu'à la mort ultime, mais il se rend compte que cela ne lui donne pas plus de remords que de tuer des humains lorsqu'il s'agit d'Immortels si faibles que celui-ci. Une fois son méfait accompli, Mesgora s'enfonce dans la terre avec sa victime puis en émerge seul, laissant le cadavre reposer dans la terre où personne ne pourra le retrouver.

Le Sauvage a enfin découvert où il pourrait trouver Samos et il sait qu'il est en vie. Filant à travers les terres Hittites, il se rend jusqu'aux bois de Hilthanos transformé en loup. Une fois qu'il atteint les lieux, il hurle à la lune quelques fois, puis attend que quelqu'un vienne à sa rencontre.

Les sens aiguisés du vampire détectent rapidement du mouvement dans les broussailles autour de lui.
Des créatures sont en train de l'encercler à la faveur de l'obscurité des sous-bois...

Mesgora reprend sa forme Vampirique et dresse une main ouverte en signe de paix.

Je suis le Pince Mesgora Mac Da Tho, et je cherche mon ami et compagnon Samos. Je viens en paix et n'ai aucune intention belliqueuse envers vous où votre territoire.

Sur ces mots, il détache sa ceinture qui porte ses deux épées et l'envoie à quelques mètres de lui. Il attend que les créatures se révèlent à lui.

Un instant, Mesgor a la ferme impression que les formes qui hantent les ombres autour de lui vont fondre sur son corps désarmé pour le déchiqueter. Les muscules tendus, il s'attends instinctivement à un choc, il entend les grognments haletant des bêtes qui l'épient... mais un cri sec retentit, résonnant dans les bois.

« Hitto ! » fait la voix, imposant en hittite l'immobilité aux créatures prêtes à bondir.

Une silhouette se détache de l'ombre des arbres. C'est celle d'un vieillard chenu, vêtu de peaux de bêtes, soutenu par un bâton noueux. Il s'avance lentement jusqu'à quelques pas devant le vampire, pour se basser et ramasser le ceinturon.

« Jamais tu ne te séparais de ton arme, autrefois, mon vieil ami... Tu as bien changé, après toutes ces années. »

Le vieillard plonge son regard sans peur dans celui du Sauvage, qui peut y lire un mélange de force, de férocité et de sagesse.

Nul doute qu'il s'agit là de Samos le Lupin.

Le Vampire lève sa main nue et agite ses doigts, la menace muette de ses griffes de Gangrel presque palpable pour ceux qui l'entourent.

C'est que je ne peux jamais être réellement désarmé... mon ami.

Mesgora va embrasser Samos, heureux de le voir toujours en vie. Le Vampire qu'il a tué n'avait pas l'air d'en savoir beaucoup et ses informations auraient pu être erronnées. Il a eu de la chance cette fois-ci, mais il sait que la chance ne sera pas une arme suffisament précise pour reprendre le contrôle de sa cité.

Je sors tout juste d'un repos bien mérité, et le réveil ressemble à un cauchemar. Te voir ainsi sain et sauf est la seule bone nouvelle qui me soit parvenue depuis que je suis sorti de ma torpeur. Peut-être est-ce un signe que les choses vont commencer à s'améliorer, mais je sais que rétablir la situation se paiera au prix du sang.

Mesgora tient Samos par les épaules et le regarde intensément.

Tu as vieilli, Samos. Celà ne fait même pas un siècle pourtant que nous nous sommes dit "à bientôt". Je suis sûr qu'il y a là une histoire digne d'être racontée. Allons, mon ami, réjouissons nous d'être à nouveau ensemble. Le monde me semble soudain plus moins sombre et solitaire. Asseyons-nous quelque part et tu pourras me narrer les décennies que j'ai manquées.

Le vieillard hoche la tête, sourit doucement. Avec une douceur que son ami ne lui avait jamais connu autrefois.

« Le monde a bien changé, mon ami, il a bien changé... Les dieux t'ont tenu écarté du champ de bataille pour laisser à d'autres le laurier et le glaive... Peut-être que cette nuit est un nouveau tournant pour tous... Viens, suis-moi. »

Faisant un signe à ses guerriers lupins, Samos guide Mesgora au cœur de l'épaisse forêt. Des formes animales passent furtivement dans les buissons autour d'eux, comme s'ils étaient constamment au milieu d'une meute puissante et silencieuse.

Malgré son âge avancé, le vieux loup-garou a conservé vigueur et agilité, et les deux créatures surnaturelles progressent rapidement, courant entre les troncs, esquivant les branches, bondissants au-dessus des fossés.

Finalement, le duo parvient dans une clairière, éclairée par la lumière blafarde de la lune, qui forme un croissant harmonieux.

Dans la clairière, quelques huttes de branchages, des litières de feuilles et de grandes herbes, quelques menus objets. Et au-dessus, un amas de blocs de rochers qui s'élève à cinq ou six mètres de haut. Un loup blanc sort des fourrés, se faufile entre les couches et en quelques bonds précis, parvient à se jucher au sommet de la plus haute pierre pour fixer le vampire.

« Bienvenue dans mon modeste royaume, Mesgora Mac Da Tho, fait le vieux lupin en s'asseyant avec un léger soupire. C'est ici que mes loups se cantonnent, mon ami. Depuis que plus rien de va et que les dieux ont choisi de délaisser les hordes de la nuit. Nous sommes maudits, Mesgora. Tout comme vous l'étiez déjà, vous les vampires. »

D'un geste sec, il heurte deux pierres sur un amas de feuilles mortes et démarre un feu de camp, qui alimente machinalement de branchages tout en continuant à parler.

« Depuis des siècles, les garous sont en harmonie avec la vie, avec les cieux, avec la terre. Les dieux sont partout, Mesgora, tu le sais. En toute chose, en toute créature. En nous, aussi. Ils l'étaient... Car la discorde que tu as connu avant ta torpeur n'a fait qu'empirer. Il serait inutile de blâmer d'autres responsables, car nous subissons tous les maux que nous avons laissé pousser. Les faux dieux de l'Olympe, les vampires, les rois-sorciers des hautes terres des Carpates, les druides Celtes, les mystères du Septentrion... Et les arrogants de nos propres rangs. Chacun a joué son rôle dans la grande fête de la Mort. »

Le récit de Samos est fort long et dure toute la nuit. Il raconte comment Hadès, faux-dieu des enfers, a déchaîné la rage des garous de Grèce en lançant des attaques sur les sages garous de Thèbes. Comment une guerre invisible et sans merci a déchiré les campagnes, se répendant partout comme la pluie sur les blés. Les anciens qui ont survécu sont partis en quête d'un moyen de stopper la guerre. Un moyen unique, mythique, légendaire : la fusion. Si garous et vampires se combattent, ils le feront pour l'éternité. Seule une fusion entre les deux espèces pourraient endiguer le flot de sang avant la fin des Temps.

Samos a affronté le péril des sorcelleries dans les montagnes du Nord. Il savait combien la magie pouvait être puissante. Elle ne lui a apporté que la douleur, et la mort de ses compagnons.

Seul, il a poursuivi sa quête en suivant les indications des Gardiens qu'il avait croisé dans les plus profondes forêts du monde, pour remonter jusqu'au bord de la grande mer, dans le froid et la pluie. Là, sur le bord d'une falaise balayée par des vents de fin du monde, au bord du bord de la terre, il a rencontré les maîtres des druides. Ceux qui fusionnent avec la nature, ceux-là pourraient faire fusionner les deux races.

Mais les duides ont trahi. Malgré leur savoir, ils n'ont suivi que l'attraction du pouvoir. Il voulaient contrôler les deux races.

Prisonnier, Samos a subi leurs expériences. Des années à hurler à la lune dans le silence du bout du monde.

C'est Niot, une jeune vampire, également cobaye des grands druides, qui l'a finalement libéré. Samos a fui, mais il avait compris.

Le commencement de la fin a déjà eu lieu.

Il ne reste plus qu'à conclure.

Depuis le jour de son évasion, le loup-garou vieillit, comme vieillirait un mortel. Il sait qu'il va mourir. Qu'il n'a plus le pouvoir d'enfanter de garou, ni même de retrouver sa forme animale. Il sait que son sort sera un jour celui de tous les garous du monde. Et de tous les vampires.

Et un jour, le monde entier ressemblera à ces falaises mortes balayées par les vents.

Mesgora écoute attentivement le récit du Lupin, avide qu'il est d'en apprendre plus sur la situation. Il n'en demandait cependant pas tant. A écouter Samos, on aurait dit que le ciel allait leur tomber sur la tête.

Mélanger les espèces ? demande-t-il, encore abasourdi par ces nouvelles. Les Immortels se refuseraient à de tels expériences, ils se détestent, et même lorsque l'on vient en paix désormais, parlementer avec l'espèce rivale, on ne reçoit que violence et dédain. Mais tu as raison, c'est lorsque le cercle des sages de Thèbes à été attaqué que les choses ont commencé à empirer. J'ai voulu offrir asile à Balthazar et aux autres sages après leur débacle, mais nul ne vint. J'ai traversé le monde pour essayer de parler avec Balthazar, mais soit les messagers m'ont menti et n'ont pas transmi le message, soit il ne souhaitait pas me voir.

Mesgora contemple les flammes mourantes avec un éclat nostalgique dans ses yeux clairs. Il est inquiet, mais pas seulement à cause de la gravité de la situation. La nouvelle que Samos est désormais en train de vieillir et que c'est la fin de sa lignée blesse le coeur immortel du Sauvage plus que quoi que ce soit que son camarade aurait pu lui dire, même s'il lui avait annoncé la fin du monde ou la troisième bataille de Mag Tuiréd.

Une fusion des espèces... fait-il, pensif, essayant de détourner ses pensées de la séparation inévitable qui devra avoir lieu entre Samos et lui s'il continue à vieillir. Soudain, l'esprit de Mesgora s'illumine de souvenirs, et un nom et un visage lui reviennent. Mais bien sûr ! Philemon ! T'ai-je déjà parlé de Philemon ? L'un des membres du cercle de Thèbes. C'était un Vampire, puis il avait été mordu par un des tiens et avait survécu, devenant, à ma connaissance, le seul individu mélangeant le sang des deux lignées. Peut-être que lui en saurait plus à ce sujet. Peut-être que grâce à lui, nous pourrions retarder l'inévitable.

« Que je sache, Balthazar n'est plus. J'ai entendu dire qu'il était lui aussi parti vers le Nord, et nous n'avons plus de nouvelles. Je crains qu'il n'ait lui aussi trouvé la sinistre clef de notre perte, et qu'il ne soit désormais l'otage des grands druides... mais ce Philémon... je ne le connais pas. J'ignorais qu'il eixistait un tel phénomène en vie. Il faut absolument le retrouver avant les druides sinon les dieux seuls savent ce qu'iladviendra du monde... »

Très inquiet, le vieillard s'est relevé et marche en long et en large devant le feu qui achève de brûler. Mais les premières lueurs de l'aube commencent déjà à embraser le ciel.

« Mon vieil ami, tu es ici chez toi, et mes Lupins ont pour instruction de respecter ta présence ou de le payer de leur vie. J'ignore cependant si cette menace les retiendra longtemps... certains jeunes loups sont prêts à commettre des actes inconsidérés pour briller aux yeux de leurs pairs. »

Dans ce cas, nous partirons dès la nuit prochaine à la recherche de Philémon. Ma vengeance sur Argos devra attendre, s'il est encore en vie, du moins.

Le Sauvage se dresse de toute sa hauteur et se détourne de son ami, commençant à s'éloigner.

Ne te fais pas de soucis pour moi. J'ai encore quelques astuces dans mon sac. Même si certains essaient de te désobéir, ils auront du mal à me trouver. A la nuit prochaine.

Et sur ces mots, Mesgora se transforme en loup et s'enfonce dans les fourrées. Tous ces sens animaux en alerte, il prend bien garde d'être en sécurité avant de s'enfoncer dans la terre.

Le jour se passe sans trouble...

Une nouvelle nuit tombe sur les bois.

Au réveil, le Sauvage peut entendre le hurlement d'un loup appelant la meute.

Les mortels de la région n'ont plus qu'à se barricader pour la nuit, car c'est l'heure où leur royaume prend fin, l'heure où les maîtres des ombres s'éveillent...

Mesgora sort de la terre, toujours en forme de loup, et hurle lui aussi à la lune en réponse à l'appel de Samos. Puis il se faufile dans les bois jusqu'à l'origine du cri pour rejoindre son ami.Une fois à ses côtés il reprend sa forme originale et se place aux côtés du chef de meute.

Nous voilà fin prêts. Emmènes-tu ta meute avec toi, où voyagerons nous seuls tous les deux ? Si nous voulons retrouver Philemon, il nous faudra sûrement d'autres détails, mais les compagnons qui étaient avec moi morsque je l'ai rencontré sont loins. Silos est parti en Orient, et Callinira est en Palestine. Quand aux autres, Kelindros et... le Daeva, j'ai oublié son nom, ils ont subi la Mort Ultime dans des circonstances étranges. Par où devons nous commencé ? Sais-tu si les Lupins ont d'autres centres intellectuels où nous pourrions trouver ce genre d'information depuis que Thèbe est tombé ?

Le vieillard sourit.

« C'est un long voyage pour lequel tu te prépares, mon ami. Un périple que mon vieux corps ne pourra pas supporter, je le crains. Se déplacer en meute pourrait assurer une forme de sécurité, mais ce serait également moins discret. Certains jeunes loups sont difficilement contrôlables. Tôt ou tard, l'un d'entre eux s'en prendrait à toi, où laisserait une piste de sang qui alerterait nos ennemis... Je pense que si les dieux t'ont mis sur cette chasse, tu dois l'accomplir seul. Mais je suis certain que le destin mettra sur ton chemin d'autres compagnons pour mener à bien ta quête. Ne t'attends pas à l'achever dans la hâte. Simplement, garde-la présente au fond de ton esprit car si un tel présage tombe dans l'oubli, alors le monde de la nuit et le monde du jour ne formeront qu'un dans l'Apocalypse... »

Fouillant dans ses vêtements en fourrures, Samos en tire un collier de cuir retenant un croc de loup. Il le tend à Mesgora.

« Tiens, prends, prince vampire. Ceci est le gage de ton amitié avec les Lupins. Il devrait t'assurer une certaine tranquilité auprès de mes frères. C'est la dent vénérable, une relique antique qu'ont dit prise au Père des Loups, Fenris. Elle recèle de grands pouvoirs. »

Il se tourne ensuite vers la lune, qu'il contemple longuement en silence.

« Les havres de sagesse des temps anciens ne sont plus, désormais. Nos philosophes se sont dispersés ou ils ont été tués. Thèbes était en quelques sortes le derniers des bastions de l'esprit. Ton Philémon, s'il a conscience de son importance, est certainement tapis dans quelque repaire secret. Ton voyage sera long, et tu devras interroger de nombreuses créatures étranges de par le monde. Les réponses se trouveront là où tu ne les attendras pas... »

Dans un froissement de vêtements, il fait volte-face pour plonger ses yeux brillants dans ceux du Sauvage.

« Quant à ta fureur, apprends à la contrôler. Nous sommes tant des bêtes que des hommes. Mais c'est l'homme en toi qui te donne la noblesse. La bête, si elle te donne la force, ne fait que dévorer ton esprit. Prends garde à toi, Mesgora. Car tu seras ton plus grand adversaire. »

Mesgora est attristé d'apprendre que Samos ne pourra être du voyage.

J'en suis désolé. Mais tu sais comme moi que l'union fait la force et que les loups chassent en meute. Choisit un de tes enfants pour m'accompagner, un en qui tu as confiance et à qui je pourrais accorder la mienne. J'ai fait de longs voyages solitaires, dèjà, et la quête me semblera plus aisée si j'ai quelqu'un à mes côtés pour partager les joies et les peines du voyage. De plus, avoir un Lupin à mes côtés sera une protection durant le jour et un gage encore plus évident que l'artefact que tu me remets, que j'accepte tout de même avec joie.

Il laisse le Loup-Garou poser l'objet dans sa main ouverte, puis il le passe autour de son cou. Puis il tire son épée de bronze et s'agenouille, lame vers le sol, plaçant son front contre la garde.

Je te fais le serment que je trouverai la solution et que je protégerai les tiens. Je retrouverai Philemon et je reviendrai ici.

Samos sourit.

« Voilà bien le Mesgora de mes souvenirs. Force et honneur... Très bien, je te donnerai ce que tu demandes. Isis est une des plus sages et des plus expérimentées de ceux qui m'ont suivi jusqu'ici. Elle a suffisamment voyagé de par le monde pour ne pas être un poids pour toi et t'apporter quelque soutien. Elle ne connait pas beaucoup les tiens, mais je lui parlerai. Elle te suivra où tu la guideras quand la lune sera à nouveau pleine. En attendant, agis comme bon te semble, mon ami. »

Le vieillard alla s'asseoir dans la clairière sur une couverture. Un enfant extrêmement velu s'empressa de lui apporter une écuelle de bois pour qu'il se restaure.

Mesgora prit conscience que les garous, qui étaient restés respectueusement à l'écart de la conversation, l'observaient presque tous à la dérobée.

Mesgora est satisfait de la réponse, et il fait confiance au jugement de son ami : cette Isis devrait être une alliée importante et facilitera grandement sa quête. Il est impatient de la rencontrer, mais d'ici là, il a un peu de temps à tuer. Il met son temps à profit pour essayer de renforcer son lien à la meute. La nuit tombée, le Vampire va vivre à leurs côtés, vivre comme un des leurs pour en savoir plus sur leur culture et leurs coutumes et comprendre peut-être d'où vient la haine ancestrale qui sépare leurs deux peuples. Peut-être Samos pourra-t-il aussi le renseigner quand aux événements qui ont secoué la cité de Alis durant sa torpeur.

Après quelques nuits passées parmi les Lupins de Samos, Mesgora parvient à sympathiser avec quelques uns d'entre eux mais la meute reste prudente, voire hostile au vampire. Celui-ci finit par faire la connaissance d'Isis, une charmante jeune femme d'origine égyptienne aux yeux en amande et aux chaveux de jais. Elle est athlétique et dynamique mais conserve en toute circonstance un calme olympien et sait rester philosophe, même dans la pire adversité. Elle semble éviter de porter un jugement sur le compagnon de voyage qu'on lui a attribué, ce qui la rend un peu froide.

Concernant la ville voisine, Mesgora apprend que les gouvernants occultes s'affrontent à travers une lutte fratricide sanglante. Un certain Hérodote mène une révolte occulte contre le prince au pouvoir. Ce serait un Ancien Dæva disposant de bon nombre de contacts, et, selon la rumeurs, possédant des pouvoirs magiques très puissants.

Lorsqu'Isis est envoyée à Mesgora, il se saisit de ses quelques affaires et se prépare à partir. Il met ses soucis vis-à-vis d'Alis de côté, la cité attendra. Il fait ses adieux à Samos, et lui ordonne de ne pas mourir avant son retour. L'ordre est bien entendu donner sous le ton de l'ironie, et au fond de lui, Mesgora est amer et accablé de voir ainsi la seule personne qui l'ait jamais compris dans une telle situation.

Avant de partir, il remercie les quelques Lupins avec qui il a tissé des liens et enfin, il se tourne vers Isis.

Allons-y, et que notre chasse soit fructueuse.

Puis il s'élance en forme de loup, plus pratique pour traverser la forêt. Une fois sorti des fourrées et de retour sur les plaines, il reprend son apparence humaine, avalant le plus de lieues possible de ses jambes puissantes avant le lever du soleil.

« Vers quelles étoiles avançons-nous, Mesgora ? » demande Isis une fois la nuit à nouveau tombée.

Elle l'attendait, assise en tailleur dans une clairière où le vampire avait choisi de s'enfouir pour la journée.

En voyant le vampire, elle gratte le sol du talon pour projeter un peu de terre sur le feu de camp qu'elle avait allumé là pour y faire cuire un lièvre.
L'odeur de la nourriture grillée évoque immédiatement chez Mesgora des souvenirs si lointains qu'il les pensait oubliés. Le souvenir de la chaire grillée craquante sous la dent... les repas d'un mortel...

L'odeur en soit n'a plus l'ivresse de celle du sang. Mais la mémoire rajoute un plaisir joyeux.

Isi, sans plus le regarder, mord avec appétit dans la cuisse qu'elle tient dans la main.

Pour l'instant, c'est toi qui vas nous diriger. Il nous faut trouver une meute de Lupins qui sauraient où trouver un membre de l'ancien cercle de Thèbes. Si tu n'en connais aucun j'ai un vieil allié pas loin de Rilec qui pourra peut-être nous renseigner. Par contre, nous essayerons d'éviter la ville autant que possible. Même si je serais heureux de revoir mon infant, je ne peux risquer d'y faire halte. Si tout comme Argos, mon autre prince Ventrue m'a trahi, nous serions en danger. Alors, des idées ?

Mesgora est alerte, heureux d'être à nouveau sur les routes avec un compagnon digne de ce nom pour l'accompagner dans sa chasse. Il sent que rien ne pourra lui résister.

Isis réfléchit un moment.

« Les Sages étaient menacés et traqués par les Redoutables envoyés par le prince des Enfers, selon la légende. Les survivants ont certainement quitté les régions grecques pour aller se cacher en terres barbares... mais le monde est vaste. Je ne connais pas vraiment les garous des régions reculées, on raconte qu'ils sont constamment sous forme animale... Peut-être pouvons-nous en effet commencer par rendre visite à votre ami ? »

Bien, direction Rilec alors.

Mesgora reprend la route familière de sa forteresse, retrouvant aisément le chemin qu'il a parcouru maintes et maintes fois avant sa torpeur. Pourtant, ses souvenirs et les rêves fiévreux et malsains de la torpeur se mélangent dans sa tête et le troublent profondément, lui montrant une facette de l'immortalité qu'il n'avait jamais perçue auparavant. Cela fait déjà quatre siècles qu'il a rejoint les rangs des damnés, et jusqu'à sa torpeur, cela lui plaisait, mais cet épisode traumatisant lui a fait ravaler sa chique. Les millénaires seront difficiles, et intérieurement, il prie les dieux qu'ils aient placé en lui l'esprit d'un Lupin qui s'éveillera un jour et le libèrera de son requiem. Il n'a pas tout révélé à Samos. En protégeant les loups garou, c'est son unique lueur d'espoir qu'il essaye de sauver. Si les Lupins s'éteignent, alors la flamme dans son coeur les suivra.

Une fois arrivés aux bois des Lupins à proximité de Rilec, Mesgora et Isis se mettent en vue, présentant leurs paumes ouvertes en signe de paix, attendant que le vieux sage ou l'un de ses suivants vienne leur parler.

La forêt reste longtemps silencieuse et les deux voyageurs finissent par se rendre à l'évidence. Ces bois n'ébritent plus de sage...

Tout à coup, leurs sens aiguisés percoivent le bruit caractéristique de lames qui s'entrecroisent.

Un combat !

Le fracas des armes provient de l'Ouest, plus profondément dans la forêt. Sans doute dans une clairière, non loin de là, d'après les souvenirs du Sauvage.

Rapprochons-nous, fait Mesgora à Isis. Fais-toi discrète.

Et sur ces mots, il se transforme en loup et commence à progresser avec légèreté à travers les fourrés bas, dissimulé dans les ombres. Il se rapproche de l'origine des sons afin de voir qui sont les combattants, prêt à se ruer à l'aide d'un éventuel allié pris dans ce conflit.

La bataille fait rage dans la petite clairier où les deux loups débouchent.

Une demi douzaine d'hommes en armes, visiblement des mercenaires macédoniens, sont en train d'acculer un trio de jeunes garçons vêtus de peaux de bêtes, qui se protègent avec des morceaux de bois ramassés par terre. Les épées découpent avec facilité les défenses des enfants, coincés contre un bloc de rocher, qui leur permet cependant d'éviter d'être pris à revert.

Désarmé, l'un d'eux ne peut plus parer les coups et une lame vient s'enfoncer dans son ventre. L'air surpris, il lève les yeux en direction des loups.

Il sourit.

Avant de mourir.

Sentant que les enfants sont liés à la meute qui habitait autrefois ces bois, Mesgora charge les guerriers, se changeant en humain et dégainant son épée. Il préfère éviter que les mercenaires ne réalisent qu'il est un vampire, il va donc se battre à l'ancienne, à l'épée.

Il n'a pas peur d'user de ses réserves de sang pour ce combat, car il pourra se rassasier des guerriers moribonds lorsqu'il en aura fini avec eux.

Ogmaaaaaa ! retentit le cri de guerre du Gangrel alors qu'il abat son épée sur un Macédonien.

La bataille est enragée.
Le vampire est puissant et bouillant mais ses adversaires mortels sont nombreux et bien entraînés. Leur salaire a certainement été important, il est rare de croiser d'aussi fines lames au détour d'un bois.
Le Gangrel est tailladé de partout, seule sa nature immortelle lui permet de prendre le dessus.
Il constate que son alliée ne s'est pas jetée dans la bataille. Sans doute la jeune femme ne maîtrise-t-elle pas l'art du combat à l'arme blanche et voulait-elle suivre l'idée de discrétion de Mesgora ?

Enfin le dernier ennemi s'écroule dans un râle quand le Sauvage lui lance une épée qui l'arrête dans sa fuite. Personne ne s'enfuira pour témoigner de cette bataille.

La femme garou s'est penchée sur le jeune garçon mort. Elle le tient dans ses bras et pleure en silence. Son visage est aussi pâle que celui d'un vampire et elle tremble.

Les autres, éberlués, considèrent les arrivants comme deux héros mythologiques descendus de l'Olympe pour les secourir.

Mesgora pousse un hurlement de victoire à glacer le sang, puis se rue sur les corps agonisants des mercenaires afin de rassasier sa bête qui hurle en son sein, réclamant son dû. Il ne se soucie plus des témoins, car il sait que cet acte de brutalité est nécessaire s'il veut empêcher la frénésie de pendre le dessus. Une fois repu, il retire son glaive du dos du dernier mercenaire. D'un air solennel, il le lève, pointe vers la terre, garde vers le ciel et s'écrie :

Ces morts sont pour toi Ogma ! Ils étaient braves mais se sont soumis face à la puissance de ton serviteur.

Puis il essuie sa lame et la rengaine avant de se diriger vers le groupe des loups-garous.

N'ayez crainte, petits louveteaux. Vous êtes sauvés. Séchez vos larmes, car votre frère a rejoint le paradis des braves.

Sans plus de formalités, le Sauvage commence à préparer un foyer pour que les Lupins puissent allumer un feu et se réchauffer un peu les mains et le coeur. Une fois que tout est prêt, lui même s'écarte et va s'asseoir près d'un arbre à la limite de la clairière, à portée de voix des autres, mais suffisamment loin pour ne pas se sentir menacé par les flammes.

Racontez moi votre histoire, petits louveteaux, leur demande-t-il après qu'ils se soient installés et que les flammes leur aient rendu un peu de chaleur.

« Le paradis des braves serait bien sombre, s'il ressemblait à cela », murmure alors Isis en relevant la tête, un faible sourire sur les lèvres.

Éberlué, Mesgora voit le garçon qu'elle tenait serré contre elle rouvrir les yeux.

« La vie n'a pas encore quitté ce petit corps... mais il ne vaut guère mieux. »

Incrédule, le guerrier Sauvage en oublie les flammes et se rapproche des autres. Il était pourtant sûr que la blessure était mortelle. Pourtant il vit, bien qu'il soit trop faible pour autre chose que respirer, et encore, avec un souffle rauque signalant qu'il reste aux portes de la mort.

Les autres enfants regardent la scène en silence.

Mesgora sourit de voir l'enfant encore en vie.

Votre race est puissante. Bien plus que ce que nous accorde notre malédiction. Peut-être va-t-il survivre. Si les dieux le veulent, il s'en sortira.

Le Gangrel n'a aucun autre confort à apporter, il ne ressent plus les émotions comme il le pouvait avant... Avant quoi ? La torpeur a confondu tous ses souvenirs, et la tristesse n'est pour lui qu'une ombre lointaine et inaccessible. Alors il s'asseoit et commence à aiguiser sa lame en attendant que les autres soient prêts à lui parler.

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Argh, un gros message supprimé par erreur...
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Nul besoin d'être grand sorcier pour savoir que l'enfant est trop faible pour passer la nuit. Sa respiration rauque se fait lente et douloureuse, il est déjà pâle comme la mort et a perdu une quantité impressionnante de sang. Le prédateur se demande même comment ce petit cœur peut encore battre... D'expérience, il n'a jamais vu un adversaire survivre à une telle blessure.

Il sent peser sur lui le regard d'Isis, qui reste silencieuse.

Les autres enfants se rapprochent peu à peu.

Ils racontent, à mi-voix, par bribes, qu'ils étaient ovates, les apprentis du druide Archos, vivant au cœur de la forêt pour apprendre les sagesses du monde et de la nature.

Archos était réputé et on venait de loin écouter ses conseils avisés. Souvent au milieu de la nuit les enfants voyaient la silhouette d'impressionnants visiteurs discuter avec leur maître.

Archos est mort, tué par un loup. La sauvagerie du massacre a bouleversé les enfants.

Depuis, ils survivent comme ils le peuvent dans la forêt.

Mais une clique de mercenaires les traque depuis des jours. Ils connaissent mieux les bois mais les gens d'armes sont plus nombreux, plus forts... Plusieurs enfants ont été capturés puis tués. Ce trio est tout ce qui reste des élèves du druide.

Et bientôt duo.

Mesgora est quelqu'un de droit et de direct. Il n'aprécie guerre les remontrances silencieuses de sa compagne de voyage.

Qu'y a-t-il Isis. Parle tes pensées, et soit claire. Je ne lis pas dans les esprits ni les coeurs, je ne suis qu'un guerrier, pas un devin ni un magicien. Si tu crois que je puisse faire quelque chose pour cet enfant qui meurt, j'ignore à quoi tu penses.

Le seigneur de guerre pense que les enfants sont des Lupins et que s'il essayait de l'étreindre pour le sauver, cela ne le tuerai que plus vite. De plus, il ne souhaite plus transmettre la malédiction à quiconque. Elle entraîne trop de souffrance, trop de confusion. Lorsqu'il retrouvera Lycos, il devra lui présenter ses excuses. Il ne savait pas l'enfer auquel il le condamnait.

Ses pensées se tournent alors vers son infant, qui deviendra un jour un monstre comme lui, incapable de ressentir la moindre émotion, ne pouvant que se raccrocher aux souvenirs dégénérés d'une existence qui lui échappe.

« Je n'ai pas de remontrances à formuler, Gangrel. Tu es seul maître de tes actions et de tes non-actes. »

Isis s'éloigne légèrement du campement pour chercher des traces des anciennes installations du druide dans les bois alentours.

Les deux enfants survivants regardent Mesgora, très impressionnés, sans bouger, près du feu.

Le troisième continue à respirer doucement dans le silence de la nuit où bruissent mille créatures invisbles dans les ombres.

Une fois que Mesgora en a assez de rester là à attendre, mais puisqu'il est trop faible et blessé pour aller gambader dans les bois, il s'approche des deux enfants et de leur compagnon mourant. Il constate les dégâts avec un air grave.

Il ne nous reste qu'à prier. Vous avez des dieux, les enfants ? C'est important la foi. Si vous en avez alors il est temps d'en appeler à eux, car votre ami est dans leurs mains. Parlez moi de vous, louveteaux. D'où venez-vous ? Comment êtes vous arrivé ici ?

En leur parlant un peu, il espère pouvoir rassurer les deux enfants et keur changer un peu les idées. Le Gangrel a l'impression de se souvenir que parler de ses dieux le rassurait de son vivant, à une époque où il pouvait encore ressentir du chagrin et de l'angoisse, avant que sa non-vie vienne tout bouleverser et que sa torpeur vienne tout embrouiller.

Les enfants sont animistes. Ils vouent un culte à la Nature sous toutes ses formes. Ils racontent comment ils ont été élevés depuis leur plus tendre enfance par le vieux druide, au fond de la forêt.

Aucun d'eux n'est jamais sorti bien loin hors des bois. Il semblerait que le vieillard ait récupéré des enfants abandonnés sur les marches des temples érigés sur le bord des routes, aux croisements ou à l'entrée des villages voisins, y compris Rilec.

Ils sont totalement ignorants du vaste monde qui entoure leur forêt.

Isi revient plus tard, annonçant sobrement qu'elle a trouvé la grotte du druide.

« Ils ont tout brûlé. Consciencieusement. Ils voulaient détruire toute trace du passage d'Archos. Y compris son corps. »

Plus doucement, elle murmure à l'oreille du Sauvage qu'elle a retrouvé les ossements calcinés du vieux druide, incinéré par les mercenaires Macédoniens, vraisemblablement.